L’arrêté du 21 prairial an IX a été conçu par l’action de Monsieur Miot, administrateur général des deux départements de Corse suivant un acte consulaire du 11 janvier 1801.
Initialement, cet arrêté permettait, selon Monsieur Miot de sauvegarder les intérêts de l’Etat par une perception assurée et réelle des droits d’enregistrements dans un département où la situation économique et sociale était inférieure au reste du territoire.
A cet effet, il précisa lors de son rapport en date du 26 mai 1801 au Ministre de l’intérieur de l’époque que « le tarif des droits d’enregistrement assimilés ici pour leur montant à ceux qui sont perçus en France était excessif, et les habitants ne pouvaient en supporter la charge tout à fait disproportionnée avec leur facultés pécuniaires… »
Les difficultés matérielles
D’une part, il existe en Corse un grand nombre de biens dits « non délimités » appelés BND.
Par biens non délimités, on doit entendre « des portions de terrain sur lesquelles plusieurs personnes ont des droits non indivis de propriété et dont il a été impossible, lors de la rénovation du cadastre ou depuis cette rénovation, de reconnaître et de définir les limites sur le terrain, les propriétaires ayant négligé ou n’étant pas en mesure d’en préciser la position, même approximative » (Rép. min. : JOAN 28 mars 1957, p. 1921-1922 ; JCP N 1957, IV, 2354-2. – Rép. enr. V° Hypothèques, L. III, n° 317).
Il ne s’agit donc pas de copropriété ni d’indivision.
Au 1er janvier 2012[1], il existait 63800 biens non délimités recensés en Corse.
Cette difficulté a été créée par les rénovations cadastrales lorsque les géomètres ou inspecteurs du cadastre ne pouvaient identifier clairement l’ensemble des propriétaires. Cette création de BND est devenu systématique chez les géomètres car plus facile, sans procéder au préalable à une quelconque recherche, même sommaire.
Il convient ici de préciser que la Commission dite « Badinter » créé en 1983 a permis à l’Etat de créer par la loi du 23 janvier 2006 un Groupe d’Intérêt Public de Reconstitution des Titres de Propriété « GIRTEC » afin de permettre aux notaires mais également aux citoyens de faciliter la création des titres de propriété.
Selon l’analyse du GIRTEC, la moitié des parcelles en Corse n’a fait l’objet d’aucune publication entre 1955 et 2003[2].
Le nombre très conséquent de BND et la carence de titres, constituent le cœur de la spécificité du droit patrimonial de la Corse.
[1] Source GIRTEC présentation du 4 mars 2016
[2] Etude du GIRTEC cité dans le rapport d’octobre 2013 du « Groupe de travail sur les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en matière de droits de succession en Corse »
Fin du régime fiscal dérogatoire en Corse ? *
Avec les arrêtés Miot, la Corse avait un statut fiscal à part qui permettait de payer moins (ou pas du tout) certains impôts indirects et certains droits d’enregistrement, notamment les droits de succession. Ce régime dérogatoire fiscal était applicable aux successions ouvertes en Corse et aux actes facilitant le règlement des indivisions successorales.
La loi du 22 janvier 2002 prévoit le principe d’une extinction progressive en Corse du régime fiscal dérogatoire en matière de droits de succession. Cette loi introduit dans le Code général des impôts (CGI) des dispositions transitoires avant l’application des règles de droit commun.
Les dispositions de la loi du 22 janvier 2002 sont prorogées par la loi du 30 décembre 2008. Par cette loi, l’exonération partielle de droits de succession de 50 %, applicable de 2011 à 2015, est décalée de 2013 à 2017.
Ainsi, pour les successions ouvertes entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017, les immeubles et les droits immobiliers (usufruit, nue-propriété, etc.) situés en Corse, sont exonérés à hauteur de 50 % de la valeur vénale.
La loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété prolonge l’avantage fiscal pour 10 ans. Le régime fiscal dérogatoire est donc prolongé jusqu’au 31 décembre 2027.
Il est prévu qu’au 1er janvier 2028, le régime fiscal de droit commun sur les successions s’applique en Corse (article 1135 bis du Code général des impôts).
Suppression des arrêtés Miot et principe d’égalité devant l’impôt
Dans sa décision du 29 décembre 2012 relative à la loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel censure la prorogation du dispositif dérogatoire prévoyant l’exonération totale des droits de mutation applicable aux biens immobiliers situés en Corse :
« Considérant que le maintien du régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur des immeubles situés dans les départements de Corse conduit à ce que, sans motif légitime, la transmission de ces immeubles puisse être dispensée du paiement de droits de mutation ; que la nouvelle prorogation de ce régime dérogatoire méconnaît le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ; que, par suite, l’article 14 doit être déclaré contraire à la Constitution. »
Le Conseil constitutionnel censure donc le caractère dérogatoire du dispositif d’exonération partielle de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit en Corse. Cette décision, par l’affirmation que chaque citoyen français est égal devant l’impôt, s’oppose à une éventuelle prolongation du régime dérogatoire.
Toute éventuelle prolongation du régime dérogatoire spécifique en Corse semblait donc difficile. Pourtant, la loi du 6 mars 2017 a pu prolonger le régime dérogatoire, en motivant cette disposition par la nécessité de laisser plus de temps au Girtec (Groupement d’intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété en Corse) pour mettre fin au désordre de la propriété en Corse (par l’intermédiaire notamment des notaires chargés des transmissions successorales).
Arrêtés Miot : l’apport de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017
Cette loi impacte la prescription acquisitive, le régime d’indivision et certains régimes fiscaux favorables applicables aux transmissions d’immeubles en Corse.
Voici les principaux points à retenir :
• Pour les impôts dus au premier transfert gratuit d’immeuble, pour les actes de restitution de propriété publiés jusqu’au 31 décembre 2027, l’article 3 de la loi du 6 mars 2017 confirme l’abattement de 30% à 50%. de la valeur du bien transféré. Cette réglementation est applicable sur l’ensemble du territoire national.
• Les immeubles et droits immobiliers situés en Corse sont exonérés de droits de succession à hauteur de 50% de leur valeur, pour les immeubles de succession ouverts le 1er janvier 2013. Cette exonération s’applique aux immeubles de succession ouverts jusqu’au 31 décembre 2017, prorogés en vertu de l’article 4 de la loi du 6 mars 2017 au 31 décembre 2027.
Enfin, l’article 5 de la loi du 6 mars 2017 exonère la taxe de 2,5% pour le partage des biens hérités et le partage des biens héréditaires selon la valeur des biens immobiliers situés en Corse. Cette dispense de partage s’applique aux actes accomplis entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2027.
* Source : ooreka.fr
Commentaires récents